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La diversité des œuvres de la Collection Zinsou se discerne lorsqu’on parcourt les salles du Musée de la Fondation Zinsou à Ouidah (Bénin). Depuis 2013, année d’ouverture du Musée, les œuvres des artistes béninois de toutes les générations, tels que Cyprien Tokoudagba, Gérard Quenum, Romuald Hazoumè, Emo de Medeiros, se sont croisées, et le continent africain y est représenté dans sa grande majorité avec des artistes venant de Côte d’Ivoire, Tanzanie, Cameroun, Tunisie, Afrique du Sud, Congo, Ghana, etc. D’autres artistes, qui ont effectué des résidences à la Fondation Zinsou, comme Cristina de Middel ou Jérémy Demester, ont inscrit leur passage par la réalisation d’œuvres attachées au continent africain. Tous les artistes de la Collection Zinsou utilisent une diversité de techniques, de médiums et de sujets abordés, qui témoignent de la richesse de la création artistique contemporaine.

Les productions de Cyprien Tokoudagba sont intimement liées à l’histoire et la culture du Bénin, grâce à des sujets tels que le vodoun ou le royaume du Danxomè. Pour lui, la notion de transmission des croyances est cruciale. Cyprien Tokoudagba se voit comme étant un médiateur, il veut permettre aux jeunes générations de comprendre les significations des dieux, rois et symboles ancestraux. Ici, nous pouvons observer une toile représentant des cercles, symboles de l’eau, qui ornent les temples vodoun.

 

Romuald Hazoumè, outre son activité de photographe et sculpteur, a également pratiqué la peinture. Celles-ci reprennent les signes du Fâ (science divinatoire au Bénin) qu’il trace à la surface de la toile (cercles, points, croissants, flèches, serpents…) et traduisant la conception du monde des Yorubas. Pour peindre ses toiles, Romuald Hazoumè utilise des éléments minéraux comme le kaolin ou l’indigo, d’origine végétale ou animale comme la terre mêlée à de la bouse de vache. 

 

En ce qui concerne l’artiste Gérard Quenum, au fil du temps, notamment depuis sa rencontre avec l’œuvre de Jean-Michel Basquiat en 2007, sa palette chromatique s’est réduite, et l’on peut remarquer l’utilisation du noir et des couleurs primaires. Les figures humaines ont gardé leurs courbes mais se déploient différemment sur la toile. Pour ses œuvres les plus actuelles, les couleurs disparaissent pour laisser la place au noir. Les figures représentées sont des silhouettes noires, peu nombreuses, n’occupant plus qu’une partie de la toile, qui se décomposent et se transforment telles des ombres. Gérard Quenum décrit sa peinture comme faite d’images fantômes et d’ombres qui transmettent par leurs formes, les émotions qu’il ressent au moment où il peint. Il décrit ainsi le monde qui l’entoure, que ce soit sa violence, ses injustices ou son quotidien et ses singularités.

 

Emo de Medeiros explore les formes, les motifs et les frontières de la création contemporaine africaine, ainsi que la façon dont elle est perçue à la fois de l’intérieur et à l’extérieur du continent. Il nous propose ici une oeuvre issue de la série « Vodunauts », ainsi qu’une « Surtenture » représentant une anagramme connectée Ces œuvres mettent en exergue sa capacité à lier les traditions et le futurisme.

 

Owusu Ankomah puise dans un répertoire culturel très large pour atteindre un langage universel. Aux peintures en couleurs ont succédé plus récemment des tableaux en noir et blanc. Le peintre esquisse à la surface de la toile les contours de corps nus et athlétiques qui disparaissent dans un écran de signes. Certains de ces signes sont inspirés des traditions akan du Ghana, notamment les symboles adinkra, dont chacun incarne un concept ou un proverbe. Il voit dans ces signes géométriques un langage sacré. 

 

Esther Mahlangu fait partie de la communauté Ndebele. Les Ndebele ont réussi à préserver les anciennes traditions ancestrales. Le patrimoine artistique, notamment les techniques de peintures murales décoratives, se transmet de mère en fille. La technique d’Esther Mahlangu s’inspire de sa tradition mais elle a radicalement modifié les supports, choisissant des objets plus contemporains tels que des avions, voitures, etc.

 

George Lilanga, avec un style très reconnaissable, anime ses peintures et ses sculptures d’une effervescente population d’être mi-humains, mi-imaginaires : le shetani ; par  l’intermédiaire desquels l’artiste révèle l’imaginaire animiste et la réalité contemporaine de la société makonde. 

 

Frédéric Bruly Bouabré reçoit une révélation le 11 mars 1948 et devient « Cheik Nadro : celui qui n’oublie pas ». A partir de cet instant, il assume son rôle de prophète, chargé de délivrer au monde un message. Par la transmission de la connaissance, il se fait le messager et le révélateur de représentations, de sagesses et de conceptions jusque-là ignorées. La pratique à la fois encyclopédique et de poète de Frédéric Bruly Bouabré se manifeste sous forme de dessins et de textes exécutés sur des feuilles de papier cartonné au format d’une carte postale. Frédéric Bruly Bouabré répertorie à partir des années 1970 un vaste ensemble de connaissances relatives à des domaines aussi variés que les arts et traditions, la poésie, les contes, la religion, l’esthétique et la philosophie. Il a ainsi consacré une série à la transcription des tâches sur les noix de cola, une autre aux signes relevés sur les nuages, une autre encore aux scarifications. 

 

Barthélémy Toguo est un artiste pluridisciplinaire. Vidéo, photographie, peinture, dessin, sculpture, installation, performance sont autant d’instruments dont il use pour créer des œuvres portant un regard critique sur le monde. Le phénomène de la diaspora, les migrations, les frontières, les rapports Nord/Sud, l’identité, le sexe figurent parmi les interrogations récurrentes de l’artiste.

 

Chéri Chérin fait partie du mouvement de la peinture populaire congolaise, tout comme Moké ou Chéri Samba. A Kinshasa, « Le groupe Viva la Musica rencontre un immense succès populaire ; un membre de ce groupe, invente le concept de la SAPE (Société des Ambianceurs et des Personnalités Elégantes) et le peintre Chéri Chérin qui occupe dans cette institution kinoise un des rangs les plus prestigieux, se proclame « Créateur Hors (série) Expressionniste Remarquable Inégalable (C.H.E.R.IN) unique dans son genre ». Chérin place au même niveau le sujet, la forme, la représentation, la lisibilité, et le décoratif. Il dénonce un monde où l’opportunisme et la comédie voudraient avoir raison sur les vraies valeurs pour lesquelles il "milite" et dont ses peintures véhiculent ces messages. » (Texte Galerie Magnin-A)

 

Sammy Baloji « explore le patrimoine culturel, architectural et industriel de la région du Katanga au Congo, afin de questionner les versions officielles de l’histoire coloniale belge. » (Texte Galerie Imane Fares) L’œuvre « Sociétés secrètes » évoque trois aspects essentiels de la situation sociopolitique au Congo: les activités de surveillance des services secrets coloniaux belge, la pratique indigène de la scarification séculaire, et le commerce de cuivre.  « Mon travail interroge sans fournir de réponses. Le colonisateur n’a pas fait que du tort, tout comme la situation depuis l’indépendance a ses propres vicissitudes. En prenant position sans violence, je constate les actes de manipulation politique du passé colonial pour questionner la situation actuelle. J’invite la société congolaise à se définir dans le présent et à fournir des propositions face à l’héritage colonial. » (propos de Sammy Baloji)

 

L’artiste Aïcha Snoussi nous parle de son œuvre Anticodexxx en ces mots : « L’encre, le plomb, la pierre noire, la pointe métallique, entaillent la surface comme on décollerait l’épiderme. Dessiner, c’est glisser sous la peau. La trace de la ligne, en filigrane du geste, frotte le papier et en décolle les couches. Le dessin, c’est ce qu’il y a en dessous - pas l’esquisse du peintre ensevelie sous les pigments - mais les chairs et les humeurs, les viscosités, les structures osseuses. Par des gestes délicats, précis, vifs, la pointe extrait ce qu’il y a à l’intérieur, elle dépèce et met à nu des fragments de corps : nerfs, sang, muscles, graisses, os, ligaments, organes, cartilages et autresterminaisons électriques, sont rejetés à la surface. L’espace du papier devient le terrain de jeu du dessinateur-chirurgien opérant in vivo, entre les couches, dans les strates. (Extraits de l’encyclopédie d’anti-savoir.) »

 

Le travail de la photographe de Cristina de Middel, qui a effectué une résidence à la Fondation Zinsou en 2016, montre que la fiction peut servir de sujet à la photographie aussi bien que les faits réels le peuvent, et souligne que nous faisons erreur lorsque nous attendons de la photographie qu’elle fasse toujours référence à la réalité. La série photographique This is what hatred did (traduction : Voilà ce que fit la haine), dont le titre est tiré de la dernière phrase du livre My Life in the bush of ghosts dont la série s’inspire, construit une sorte de version illustrée et contemporaine du récit d’Amos Tutuola en la transportant au Nigéria.

 

Jérémy Demester a également effectué une résidence à la Fondation Zinsou en 2015. L’œuvre Original Zékè a été produite à Ouidah. En langue fon, le titre signifie « Pure pardon ». Selon Jérémy, le pardon n’est pas une parole, mais un acte, une nécessité d’agir, de réagir.

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